Ça faisait
un petit moment que je n’avais pas donné de nouvelles sur mon expérience ici! Mais
voilà. J’ai un moment de… « je reprends un certain contrôle » en ce
moment. Bref, j’ai l’impression d’être mure pour vous partager un peu de mon
vécu ici.
Parce que
oui, l’arrivée à Dakar a été synonyme de perte de contrôle. Je ne comprends
rien à ce qui se passe autour, je n’arrive pas à trouver des aliments pour me
cuisiner de la bouffe me permettant d’avoir un régime alimentaire équilibré (et
bon… je me plains, mais Dakar, c’est la grâce vie comparée à la brousse), la
chaleur me fatigue et je n’ai aucune envie d’aller courir ou de bouger comme
avant. Et là, je ne parle pas du système digestif qui fait de réels « up
and down » avec tous les changements auxquels je lui demande de
s’acclimater. Bon, j'avais besoin de laisser sortir mes petites frustrations! ;) Il y a ici, tellement de choses que je ne comprend pas! À chaque jour, je m'émerveilles devant pleins de petites, de grandes choses, chaque jour, il y a de petits irritants. Mais ce qui est certain, c'est que chaque jour ici est synonyme d'apprentissage.
Pour moi, les rues de
Dakar sont chaotiques, en fait, la vie ici est chaotique. Ma logique de
québécoise bien formée dans le système scolaire avec un souci d’efficacité et
une raison logique pour l’existence de tout bien ou toute organisation ne
trouve pas son compte ici. Il y a quelques feux de circulations dans la ville,
mais aucun n’est respecté. Une rencontre est planifiée? On s’y présente une
heure plus tard.
Maintenant,
j’ai arrêté de vouloir tout planifier mon temps, je fais confiance à la vie et
prends le moment comme il vient. Et vous savez quoi? Ça marche! Ces temps-ci, je
finis toujours par faire quelque chose, et souvent les coïncidences font que je
suis bien occupée, alors que si j’avais essayé de le planifier, ça n’aurait
juste pas fonctionné! En fait, peut-être
que je suis simplement moins rigide, alors j’arrive à apprécier un peu ce que
je fais, peu importe la direction que cela prends, j’accepte de ne pas savoir à
l’avance qu’elle elle sera!
En fait, j’ai
pu mettre le mot chao sur ce que je vis ici à la suite de ma visite du marché
de poisson de Mbour, petite ville au sud de Dakar que je suis allé visiter la
fin de semaine dernière. J’ai assisté à l’arrivée des pêcheurs dans des
pirogues multicolores et magnifiques, sur la plage de Mbour. Des centaines de
personnes étaient sur la plage, prêtes à les accueillir, à accueillir les
poissons pêchés, à découper, dépecer, griller, mettre dans des bacs, dans des
camions pour leur départ vers les marchés de plusieurs villes autour. Alors,
une foule de Sénégalais (pour une blanche, c’est impressionnant une foule de
noirs comme ça!) un peu pêles mêles, qui s’activent dans tous les sens.
Personne n’est nécessairement attitré à un bateau j’ai l’impression. Tu es là?
Tu aides! De grandes cordes relient les bateaux à la plage. Une charrette tirée
par un cheval s’avance dans la mer jusqu’à avoir de l’eau presque jusqu’au
ventre pour aller chercher la cargaison d’une pirogue. Autour, pleins de
commerçants de toute sorte. On marche sur la plage, il y a des têtes de
poissons abandonnées un peu partout, mais surtout, l’odeur de poisson, de mer
est là. Bref, pour moi qui ne comprend pas la langue et qui n’a pas l’habitude
de travailler dans un espace aussi restreint et non délimité, la scène est
réellement chaotique. Et tout ce spectacle avec la lumière du soleil qui se
couche sur la mer. On m’a dit avant de partir : « on a toujours 5 ans
quand on se retrouve dans une nouvelle culture! » Et en effet! Je grandis,
j’apprends, mais tranquillement!
Voici quelques photos de l'arrivée des pirogues à Mbour! Bon, des photos ne rendent jamais le moment, mais au moins, ça donne une petite idée.
Pourquoi directement sur la plage? En fait la question est... pourquoi pas!?
Sinon, au
travail, c’est comme pour le reste de ma vie ici! Les choses se placent et se
déplacent. Je commençais tout juste à comprendre le fonctionnement de la
clinique que l’école commence et que je transfère tranquillement mon travail
d’une place à l’autre. Cette semaine, c’était la rentrée. Les élèves sont là.
En tout cas, une partie des élèves. Mais les enseignants n’y sont pas tous.
Certains avaient un séminaire de formation. Aussi, je dois vous avouer que j’ai
été surprise que les enseignants ne connaissaient toujours pas leurs
assignations de classe la première journée. Les enfants se promènent dans
l’école, certains sont venus s’asseoir dans mon bureau d’ergo pendant que je
faisais l’inventaire du matériel. Bref, un fonctionnement qui est très
différent de chez nous.
Aujourd’hui
j’ai compris que les enfants ne sont pas mis dans une boule de ouate comme chez
nous. À ce que je comprends, on les laisse plus apprendre par l’expérience. Être
avec d’autres enfants et jouer sans surveillance d’un adulte n’est pas chose
nouvelle pour eux. Ils sont toujours avec d’autres gens. Il y a toujours
quelqu’un autour pour socialiser, pour jouer, pour t’aider si tu en as besoin.
Des gens, il y en a partout. C’est la communauté. La vie familiale et
communautaire qui transparaît partout. C’est un plus pour plusieurs aspects…
les personnes handicapés et les personnes âgées sont pris en charge dans les
familles, pas dans des centre impersonnels. Tu as des difficultés, quelqu’un est là autour, toujours prêt à t’aider. Mais en même temps, le manque
d’encadrement et la vision que de toute façon, il y aura quelqu’un pour s’en
occuper limite (à un certain niveau, et dans mon esprit d’ergothérapeute) la possibilité et la volonté
d’acquérir de l’autonomie.
Bref, c’est
différent. Je trouve ici un concept de communauté fort. Je vois chez nous un
concept de productivité et d’individualisme prédominant. Et si on arrivait à
trouver un équilibre entre les deux? Ce serait merveilleux. Ça m’inspire de
plus en plus pour des approches communautaires à mon retour chez nous.
Sinon, au
cours des dernières semaines, j’ai eu quelques petites joies et plusieurs beaux
défis au travail. Je me retrouve à travailler avec quelques cas d’AVC
(hémiplégie) alors que je n’en ai jamais eu. J’instaure un peu broche à foin
une thérapie miroir avec le miroir de la salle de bain que je décroche, et
quelqu’un le tien pendant que le patient fait sa thérapie. Et j'ai fait ma première visite à
domicile!!!!! Ça a été génial! Je pars en taxi découvrir un nouveau coin de Dakar pour
aller évaluer une ado dans son quotidien. Ici, les gens vivent bien souvent dans des concessions, plusieurs familles dans une même maison! Alors, il y a toujours des gens! Un oncle, une tente, un cousin, une cousine, un frère, un soeur, il y a pratiquement toujours quelqu'un! Quand ce n'est pas quelqu'un du voisinage qui rend visite!
J’ai de
beaux défis qui me sont lancés, à favoriser l’intégration d’élèves présentant des
handicaps moteurs dans 2 écoles régulières. Ici, vous devez savoir que
l’éducation inclusive est loin d’être mise en place. La jeune que j’ai comme
patiente est arrivée 7e au niveau national au concours d’entrée en 6e
(examen d’entrée au secondaire fait dans tout le pays). Et une école
d’excellence refuse net de la recevoir à cause de son handicap. Bref, je suis
dans le dossier pour voir ce qui peut être fait, quelles sont les besoins réels
de la fille et quelles sont les limitations environnementales et occupationnelles
à l’école. C’est passionnant de voir certains lutter pour l’intégration sociale
d’enfants handicapés. Parce que oui, ici la stigmatisation est forte. Les
enfants avec handicap physique sont souvent envoyés dans la rue pour mendier. Mais
il y a de petits mouvements, de petites avancées qui sont bien stimulantes!
Aussi, j’ai
fait une thérapie avec la guitare avec un patient, chanteur et guitariste
hémiplégique qui a des contrats à honorer. Il m’a trouvé bien drôle de lui
demander d’apporter sa guitare en thérapie, mais il est tellement motivé à
retrouver sa fonction qu’il l’a fait. C’était bien de pouvoir faire une vraie
thérapie avec une activité significative! Petit moment de joie pour moi!
En résumé, pour le travail, tout est un peu aléatoire. J’essai des choses, j’essai surtout de comprendre ce que comporte le quotidien des Sénégalais. Ma devise pour l’instant : « Je fais de mon mieux avec les connaissances que j’ai et les moyens que j’ai. Tant que je m’assure que je ne fais pas de tort, j’essai! » C’est ainsi que j’apprends, sur le tas!
Alors voilà
ce que j’avais à vous partager après un mois de vie à Dakar! En espérant que le
récit et les réflexions vous aient plus et puissent vous transporter un peu, vous faire sortir de chez vous différemment!
Je pars
visiter St-Louis cette fin de semaine et retrouver Joël!
Prenez soin
de vous et envoyez-moi de vos nouvelles!!
À+
Myriam